La laguna del soldado est le deuxième volet d’une trilogie psychogéographique qui retrace les pas du libertador Simon Bolivar en 1819, lors de la campagne libératrice de la Nouvelle Grenade (actuelle Colombie) alors sous domination espagnole et son impact sur le présent. Après Bicentenario, qui s’interrogeait sur l’intérêt des commémorations de l’indépendance, La laguna del soldado s’intéresse à un épisode particulier du Passage des Andes, mouvement militaire pendant la campagne : la traversée du Paramo de Pisba, où plus d’une centaine de soldats perdirent la vie, et dont les corps furent découverts dans la lagune qui prête son nom au film.
Entre l’essai et le documentaire, le récit suit une narration qui commence avec la voix de Camilo Restrepo, cinéaste, qui récite Mi delirio sobre el Chimborazo, un poème de Bolívar, ouvrant ainsi la voie aux témoignages de botanistes, d’artisans et d’historiens, entre autres, qui décryptent la façon dont les conflits peuvent laisser des traces sur un territoire. En effet, la région du Paramo de Pisba a certes été stratégique pour Simón Bolívar, mais elle est également un lieu sacré pour les communautés indiennes, ou encore un lieu de refuge pour certaines guérillas. Le paysage devient ainsi une archive qui abrite les fantômes de Bolívar et des populations locales qui revendiquent leur espace et leur mémoire. La double exposition des images en 16 mm génère une ambiance hypnotique qui évoque les fantômes du passé : la polyphonie de voix vient s’emparer du paramo comme le brouillard omniprésent dans le film.
Pablo Alvarez-Mesa est un cinéaste, directeur de la photographie et monteur colombien. Travaillant principalement dans le domaine de la non-fiction, ses films ont été présentés et primés dans des festivals internationaux notamment la Berlinale, l’IFFR, la Viennale, le MoMA, Visions du Réel et le RIDM. Son moyen-métrage Bicentenario fut présenté lors des 9ème et 10ème éditions du PACCPA.
Valentine Duval