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PACCPA8 Erre

Entretien avec l’artiste Erre

Écrit par Bíbata Uribe

Traduction par Vincent Patouillard

Septembre 2020

Qu’est-ce que l’art urbain pour toi et pourquoi est-il nécessaire dans une ville comme Bogota ?

Pour moi, peindre dans la rue est une expression de liberté, c’est s’approprier l’espace censé appartenir à tous. C’est lutter contre ce qui est considéré comme juste et « bien vu ». C’est faire entendre une voix, élaborer de nouvelles façons de faire les choses. C’est créer une communauté et établir de nouvelles relations en utilisant la rue, non seulement dans la ville, mais dans le monde entier.

Il est très important de s’exprimer, de communiquer et de renforcer les liens entre les communautés dans une ville comme Bogota. C’est la capitale d’un pays trop corrompu, inégalitaire, avec de nombreux problèmes politiques et sociaux. Bien que les interventions de rue ne soient pas la solution à ces problèmes, je pense qu’elles contribuent d’une certaine manière à les rendre visible, à proposer et agir.

Quel est le processus de création de tes œuvres ? Tu travailles d’abord sur des « idées », ou est-ce plus spontané ?

Je n’ai pas un processus créatif rigide, les idées sortent à tout moment, pendant que je lis, quand je parle à quelqu’un, quand j’apprends une nouvelle, quand je vois une scène dans la rue, quand je peins, quand je trouve un endroit intéressant… Les idées arrivent tout le temps. Souvent je les note. Certaines prennent beaucoup de temps à sortir, d’autres ne se réalisent jamais.

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Tu dialogues avec d’autres techniques, comme la photographie, par exemple ?

Techniquement parlant, la création de l’image est souvent basée sur une photo, parfois la mienne, parfois non. Je termine ensuite l’illustration sur l’ordinateur et j’imprime l’image à la taille qu’il faut pour faire le pochoir. Dans la rue, je peins généralement au pochoir pour reproduire les images, mais j’utilise aussi des autocollants et des affiches.

L’image a été utilisée cette année lors du festival pour associer l’immobilisme du paresseux au temps suspendu auquel nous avons dû nous accommoder dans le monde entier, en raison de la pandémie. 

Dans quels genres d’espaces publics réalises-tu tes œuvres ? Tu choisis les lieux, ou bien ce sont des espaces aménagés pour des interventions artistiques ?

Les espaces sont de toutes sortes… Je fais souvent des petites peintures, sans autorisation et de façon répétée, lors de promenades plutôt nocturnes. Quand je trouve un espace où l’image est possible, je la peins. D’autres fois, je trouve des espaces, généralement plus grands, qui se prêtent à des interventions. Je planifie une action sans autorisation qui va sûrement prendre des heures à se réaliser. Dans ce cas il faut être prêt à tout. D’autres fois, on me propose d’intervenir sur des murs. Si j’ai le matériel et que je peux peindre ce que je veux, cela devient réalité. Enfin, pour les grands murs qui nécessitent un travail complexe, il y a concertation avec une institution publique ou privée qui peut les sponsoriser. Chaque cas a ses particularités et bien que j’aime peindre dans tout type d’espaces, pour moi, le meilleur spot est toujours celui où l’on peut intervenir librement, avec ou sans autorisation, qu’il soit grand ou petit, fréquenté ou non.

Concernant le travail qui accompagne notre festival cette année, d’où vient ce personnage et que représente-t-il ? Y a-t-il un rapport entre ton travail et une sorte de « bestiaire », par exemple ?

J’ai fait cette illustration il y a deux ans pour un projet animalier. Il s’avère qu’en Colombie, le trafic illégal de ces animaux est courant et j’ai voulu utiliser son image pour communiquer un peu sur ce problème, puisque mon travail plaide pour la liberté de tous les êtres vivants. L’image a été utilisée cette année lors du festival pour associer l’immobilisme du paresseux au temps suspendu auquel nous avons dû nous accommoder dans le monde entier, en raison de la pandémie. 

Parle-nous de tes projets en cours.

Cette année a été étrange à cause de la pandémie et de la quarantaine. De nombreux projets, des expositions et des voyages que j’avais prévus ont été annulés. Cependant, j’ai pu consacrer plus de temps à des travaux personnels, à l’illustration et à la création dans mon atelier. Je travaille également avec trois amis sur un livre qui compile le mouvement du pochoir à Bogota depuis plus de 10 ans.

J’espère pouvoir voyager l’année prochaine pour peindre dans d’autres pays dont la France et reprendre certains projets qui n’ont pas pu être réalisés cette année.